Histoires d'ancêtres

Le potage au cresson

Oooh ! C’est encore toi ? Je suis content de voir que tu te plais avec moi. Tu veux une nouvelle histoire ? Un autre petit morceau du passé ? Laisse-moi un instant, le temps de réfléchir. Je pourrais te parler d’un monument devant lequel je passe tous les matins, de mes ancêtres belges ou peut-être même te parler une fois de plus d’un souvenir d’enfance et faire une transition maladroite vers un de mes ancêtres. En fait, on va plutôt passer à table, entre nous, ça fait quelques heures que j’aligne les mots et je commence à avoir un petit creux.

Imagine-toi au XVIIe siècle, à la cour du Château de Versailles. Tu viens de finir un banquet avec le Roi, un de ces festins en grande pompe comme il était de coutume quand on avait le privilège de manger à la table de Louis XIV. Sur la table devant toi, il y a tout un tas de mets : de la bisque de pigeonneaux, des perdrix au chou, des tourtes à la braise, des poulardes dépecées aux truffes, des viandes, des poissons, des confitures, des massepains ou encore des biscuits. Dis-toi que ça aurait pu être bien pire, si je t’avais envoyé à l’époque romaine, sous la république, pendant l’inauguration d’un flamine de mars, tu aurais eu droit à des becfigues, des tétines de truies, des hures de sanglier ou encore des talons de chameaux. 

Revenons sous l’Ancien Régime, sais-tu que le Roi avait parfois de gros problèmes de digestion ? Ses médecins lui conseillaient avant chaque gueuleton 3 ou 4 assiettes de “potage aux cressons” (Non… Mais… Range ton carnet, je te donnerais la recette tout à l’heure, pour le moment installe toi et écoute.).

Le cresson était déjà connu et apprécié des Grecs et des Romains de l’antiquité. Ensuite, le commerce et les échanges inter peuples ont permis à cette plante originaire du Moyen-Orient d’arriver en France et plus précisément en Île-de-France où elle ne tarde pas à figurer au menu. On en trouve partout ! Du cresson ! Du cresson ! Du cresson ! De tous les côtés, on trouve du cresson : dans les fossés, au bord des ruisseaux ou dans les bacs percés qu’il faut remplir de terre et mettre dans l’eau. Il parait même que la plante a des vertus médicinales ! Il faut que je t’avoue qu’elle est bourrée de sels minéraux (phosphore, fer, cuivre, manganèse, soufre, etc.) et de vitamines (A, B, C, D, E et PP). La plante était tellement consommée, que les Allemands mettent en place la culture du cresson pour remplacer sa simple cueillette. En France, comme beaucoup de choses, il faudra encore attendre quelques années (Sérieux, pas de blague avec Edith, tu veux ?).

Culture du cresson par Jacques Hersleven
(Royal Institute for Cultural Heritage, Belgique)

Il faut en effet patienter jusque 1810 pour que la culture arrive enfin dans l’Hexagone. On doit cette implantation à un certain monsieur Cardon, maraîcher de son état originaire de Saint-Léonard (Oise), qui a l’idée de faire venir des ouvriers prussiens pour développer la culture du cresson et ses techniques. En quelques années, la région de l’Oise s’impose sur le marché du cresson dont elle devient la spécialiste.

Quoi ? Aaaah la recette ? Je croyais que tu avais oublié. Elle n’est pas de moi, c’est une archive privée issue d’un numéro de Rustica de 1993 et ne me demande pas pourquoi j’ai gardé la recette d’un potage que je n’aime pas, que veux-tu, dans le fond peut-être que je souffre de syllogomanie. 

Tu es prêt ? C’est parti !

Il faut que tu commences par laver et ciseler 2 bottes de cresson (ouais bah… écoute… je ne suis pas cuisto, tu fais des p’tis bouts quoi !) tu passes tout ça dans 50 g de beurre pendant 6 à 7 minutes, tu mouilles avec 1 L d’eau claire et tu sales. Ensuite, tu ajoutes 250 grammes de pommes de terre épluchées et coupées en morceaux (Quoi ? Bah on s’en fou de la taille des morceaux, tu vas faire une soupe). Où en étais je ? Ah oui… Tu laisses bouillir pendant 30 minutes et tu passes tout ça dans un tamis avant de remettre dans la casserole où tu verses 1 L de lait et fais bouillir en tournant. De l’autre main, tu en profites pour délayer 3 jaunes d’œufs dans une soupière avec 4 cuillerées à soupe de crème fraîche, tu bats quelques minutes et tu ajoutes des noix de beurre. Tu verses ensuite ton potage sur ta préparation en tournant et tu sers aussitôt.

Sources : Rustica et Le Point.

Le Saint Cordon de Valenciennes

An 1008 après Jésus-Christ. Toute la ville de Valenciennes est touchée par une effroyable épidémie de peste. Toute ? Oui, et elle a aucune pitié. Au monastère de Fontenelle, à côté de Maing, vit un pieux ermite qui répond au nom de Bertholin. Epris de compassion pour les Valenciennois et leur fléau, il prie la Vierge Marie, la suppliant de leur venir en aide. Elle répond à son appel, et lui demande de rassembler les habitants sur les remparts de la ville dans la nuit du 7 au 8 septembre 1008.

La dite nuit, Marie apparaît, escortée par des anges. Elle confie aux Valenciennois un fuseau de lin avec lequel ils tressent un cordon écarlate qu’ils déposent autour de la ville. Le « miracle du Saint-Cordon » est accompli : la ville est sauvée de la peste qui la ravageait. En guise de remerciement, les échevins de la ville font une promesse : chaque année, le « Tour Saint Cordon » sera refait.

La relique est perdue pendant la Révolution, mais à partir de 1804, c’est une statue de plus de 100 kilos, portée par 6 personnes, qui traverse les rues de notre cité, dans une procession de 17 km. Dès lors, chaque année, la Vierge Marie quitte la Basilique Notre Dame (construite en 1864) qui l’abrite pour faire ce pèlerinage à travers les rues de Valenciennes.

L'intérieur de l' église Notre Dame du Saint Cordon à Valenciennes
La Vierge Marie dans la basilique
(source : Wikipédia)

Qui a volé l’orange ?

Il parait que les murs ont une histoire. Je suis sûr que c’est le cas avec le mur que l’on voit à droite de la photo ci-dessous. Situé rue Charles Giraud à Onnaing, il borde le jardin de Lucia CARLIER (1905-1997) et Noël JOLY (1903-1981), mes arrière-grands-parents, qui habitaient la première maison du coron.

La rue Charles Giraud à Onnaing
La rue Charles Giraud à Onnaing
(source : Google)

Devenue veuve en 1981, Lucia avait pris l’habitude d’aller manger tous les dimanches chez André et Noëlla, ses enfants. De mon côté, je passais une partie de l’été chez Adolphe et Noëlla, mes grands-parents, qui habitaient Quarouble, une petite commune juste à côté d’Onnaing. Une fois, pendant les années 90, je suis allé chercher Lucia avec Adolphe. Super heureuse de voir son gendre, elle lui donne une orange. Quelques secondes, et j’entre à mon tour. Ni une, une deux, folle de joie à la vue de son arrière-petit-fils, elle reprend l’Orange qu’elle venait de donner à mon grand-père pour me la donner.

Cette petite histoire, digne d’une sitcom américaine, aurait pu s’arrêter après le rire de mon grand-père. En réalité, la chute est venue le soir même, quand j’ai à mon tour donné l’orange à grand-père.

Je n’aime pas les oranges.